Dans le cadre de ce mois, j’avais envie de discuter agriculture, on m’a suggéré de parler à Lise-Anne Léveillé, une personne passionnée avec qui la conversation à propos de souveraineté alimentaire, agriculture, agroécologie était riche, j’aurais pu l’écouter parler des heures.
Voici une partie de notre entretien, le sujet était si intéressant que j’ai eu envie de m’informer un peu plus, je vous laisserai au bas de l’entretien quelques références que Lise-Anne m’a conseillées et de mon côté je vous prépare un texte sur le sujet, pour plus tard dans l’année, car il y en a énormément à dire.
Suite à sa conversation téléphonique Florence a mis en texte et adapté selon ses lectures et opinions.
« Née et grandie à Montréal, j’ai toujours eu une fibre militante. Je me suis toujours intéressée à la justice sociale et l’environnement. À la fin de mon baccalauréat, j’ai obtenu un stage chez Équiterre avec l’équipe œuvrant pour l’agriculture soutenue par la communauté et c’est là que je suis entrée en contact avec la notion de souveraineté alimentaire. On était justement en pleine crise alimentaire mondiale (2007-2008), les gens étaient dans la rue partout sur la planète pour demander des prix raisonnables pour leur alimentation.
C’est pourquoi j’ai cliqué avec le concept : il rejetait le contrôle de notre alimentation par la bourse et les grandes compagnies transnationales et prônait plutôt une agriculture et une alimentation suffisante, saine, adaptée à la culture et l’environnement. Il remettait l’humain et la démocratie au cœur du système agroalimentaire. Cette vision m’a suivie, lors de ma maîtrise, mon implication au sein de l’Union paysanne, du marché de solidarité de l’Outaouais et mon travail au sein de Sème l’avenir. Je suis entrée en contact avec des agricultrices et agriculteurs, ce qu’on n’a malheureusement pas assez la chance de faire quand on est en ville. J’ai fait du bénévolat sur des fermes puis j’ai contribué à la création d’une ferme coopérative, BeetBox, dans la ceinture verte d’Ottawa. J’ai maintenant quitté la ferme, mais je continue à promouvoir la souveraineté alimentaire par mon travail auprès de l’organisation féministe Inter Pares qui la soutient ici au Canada, mais aussi ailleurs en solidarité avec des communautés en Amérique latine, Afrique et Asie. »[1]
La souveraineté alimentaire a débuté dans les années 90 par le mouvement d’organisations paysannes La Via Campesina, en réaction aux politiques de libre-échange qui s’installaient un peu partout dans le monde. Il s’agit / s’agissait de faire comprendre que la nourriture ne devrait pas être considéré comme un produit commercial ordinaire, la nourriture n’étant en ce sens pas un produit qui devrait être régi par les mêmes règles de marché qui donne priorité au commerce et à des fins de profits à tout prix.
Il s’agit de pousser le concept de sécurité alimentaire ; « Chacun peut se procurer, en tout temps, une quantité suffisante d’aliments sains et nutritifs pour mener une vie saine et active et pour assurer à ses enfants une croissance et un développement adéquat […] »[2]
La souveraineté alimentaire est le droit des peuples à une alimentation saine, dans le respect des cultures, produite à l’aide de méthodes durables et respectueuses de l’environnement, ainsi que leur droit à définir leurs propres systèmes alimentaires et agricole.
Quand on parle de souveraineté alimentaire, il s’agit de remettre l’agriculteur.rice au cœur de la machine, ce faisant en lui laissant l’espace de faire son agriculture à l’échelle qui lui convient et ce sans pression des géants industriels.
Ce faisant, plusieurs choisissent des méthodes en misant sur l’agroécologie, à plus petite échelle, en misant sur la biodiversité.
Entre 1950 et 2020, les pertes de fermes au Québec sont phénoménales, la moyenne d’âge des agriculteur.rice.s est de 55 ans et la relève n’est pas aux rendez-vous. La difficulté du marché semble être une des causes. De ce fait, le savoir-faire se perd. La souveraineté alimentaire, et l’agriculture à plus petite échelle (en comparaison aux industriels et monoculture) c’est également un bénéfice énorme pour la sauvegarde du territoire, mais également pour la sauvegarde de certaines espèces de plantes.
Lise-Anne m’expliquait que la souveraineté alimentaire va de pair avec l’agroécologie. « Celle-ci, définie par les paysan.ne.s considère les interactions des semences, de la biodiversité, des terres et territoires, de l’eau, des savoirs, de la culture, des biens communs et des espaces communautaires et les placent entre les mains de celles et ceux qui nourrissent le monde ». On parle de biodiversité, si on plante plusieurs sortes de légumes, certains sont plus résilients à tels types de maladie, tels types de climat, et d’année en année, les terres peuvent tout de même produire malgré les aléas de dame nature conséquemment nous assure une sécurité alimentaire.
Si ce type d’agriculture est parfois plus cher, c’est qu’il inclut les vrais coûts de la production agricole, incluant le respect de l’environnement et un salaire décent pour les gens qui travaillent la terre. Dans un contexte de marché commercial dans lequel le prix le plus bas l’emporte, c’est tristement également ce type d’agriculture qui a de la difficulté à se tailler une place.
De retour à la prémisse de base de la souveraineté alimentaire : la nourriture ne devrait pas être un produit d’échange commercial comme les autres.
Malgré tout, dans le monde, 70% de l’agriculture se fait à petite échelle, et ce sont ce type d’agriculteur.rice qui nourrissent la planète, c’est donc un type d’agriculture indispensable.
Pendant notre conversation j’ai lancé à Lise-Anne : « le poids de la responsabilité qui incombe aux usagers c’est parfois trop, je crois sincèrement que en plus des gestes individuels c’est au système de changer » car oui, si on nous offre 2 produits très similaires à l’épicerie, mais que l’un responsable est au double du prix de son voisin, force est de constater que nous pencherons pour notre portefeuille et c’est humain! C’est de cette façon qu’insidieusement l’agriculture s’est transformée. Et c’est ici que la souveraineté alimentaire est importante, et c’est ici que nous devons comprendre les rouages de ce mouvement car c’est d’une importance capitale. En plus d’investir dans nos fermières, dans notre savoir-faire, dans notre autonomie alimentaire, elle permet une biodiversité non négligeable pour l’environnement et pour notre territoire.
Plusieurs initiatives fantastiques ont été mises sur pied afin de redonner aux fermier.ère.s l’influx qu’il leur faut : la première et surement la plus connue : les fermiers de famille, il vous est possible d’adopter une ferme et vous procurer ses légumes de saisons en vous abonnant au début de la saison. En plus d’avoir des produits locaux et frais, à prix très abordables, au coin de votre rue (très souvent), vous injectez un montant d’argent au début de la saison de ces fermier.ère.s, ce qui leur permets de début la saison avec un influx d’argent nécessaire. Gagnant-gagnant!
Il est également possible d’aller directement à la ferme, plusieurs offrent des portes ouvertes. Évidemment si vous vivez dans une région près de fermes, plusieurs offres des kiosques à même celle-ci. Finalement les marchés de fermiers, dans plusieurs villes ou les marchés de solidarité sont également de bons moyens d’encourager directement les fermier.ère.s . Tous ces moyens sont intéressants car ils permettent de remettre une plus grande proportion du prix dans les mains de ceux et celles qui font pousser vos aliments.
Mais notre citoyenneté ne se limite pas à notre portefeuille. On peut également participer à des mouvements citoyens qui demandent des changements dans nos politiques agroalimentaires que ce soit l’Union paysanne, le réseau pour une alimentation durable ou des organisations qui soutiennent les agriculteur.trice.s partout sur la planète comme Inter Pares.
Le sujet vous intéresse?
Voici des liens pour en savoir plus :
https://foodsecurecanada.org/fr/qui-sommes-nous/la-souverainete-alimentaire-quest-ce-que-cest
https://www.unionpaysanne.com/
https://www.fermierdefamille.com/fr/
http://www.seedsecurity.ca/fr/pourquoi-semences
https://www.lapresse.ca/actualites/2019-11-23/rendre-la-ferme-impossible-possible
http://redtac.org/possibles/2017/02/11/lutopie-est-dans-les-pres/
https://interpares.ca/fr/news/batir-des-systemes-alimentaires-justes-et-resilients
https://viacampesina.org/fr/
https://foodsecurecanada.org/fr/dupainsurlaplanche
*Dans le texte que je prépare et qui sortira dans les prochains mois, j’aborderai assurément des thèmes plus poussée tel que les quotas. J’ai donc omis de parler d’animaux et de quotas dans ce texte, afin de me laisser l’espace de le faire dans quelques semaines mois année… parfois la vie va vite, mais ça viendra!